Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/01/2010

INITIATION AUX MATHÉMATIQUES FINANCIÈRES

INITIATION AUX MATHÉMATIQUES FINANCIÈRES

J.Azéma


Date: Février 2004

Introduction



Ces notes , destinées aux étudiants de la maitrise MASS de l'université Paris V , ne prétendent à aucune originalité. Elles ont pour but d'aider les étudiants de ce cursus, possèdant pour certains d'entre eux un bagage mathématique réduit ,à comprendre le début du remarquable petit livre de 
Lamberton et Lapeyre intitulé "Introduction au calcul stochastique appliqué à la finance" Ed.Ellipses (97) ;la lecture des 40 premières pages de cet ouvrage est , bien entendu , fortement recommandée. 

Le problème principal que nous nous poserons est celui de l'évaluation du prix d'une option (pricing) ; voici en gros de quoi il s'agit. Et tout d'abord de quoi il ne s'agit pas : on ne cherche en aucune façon à prédire l'évolution du cours d'une action ; ce travail est celui des analystes financiers qui auscultent le bilan de la firme , ses avantages ou ses handicaps vis à vis de la concurrence , regardent si elle est positionnée sur un marché porteur , etc...Cela fait, ils prodiguent à leurs clients ou publient dans la presse financière des conseils d'achat ou de vente.
Mais cette même action peut servir de support à des options d'achat (call) ou de vente (put) dont le fonctionnement peut être décrit de la manière suivante.
L'acheteur d'une option achète un droit à son émetteur ( en général un grand établissement financier) qu'il pourra ou non exercer à une date convenue à l'avance appelée date d'exercice. S'il s'agit d'un call, ( resp.d'un put), ce droit consiste en la possibilité pour le détenteur de l'option d'acheter, (resp.de vendre), l'action support à son émetteur à un prix, lui aussi déterminé à l'avance, appelé prix d'exercice.
Il est à noter

  • que l'acheteur de l'option paye immédiatement son dû , à savoir le prix de l'option, à son vendeur ; celui ci dipose donc de liquidités qu'il peut faire fructifier a sa guise jusqu'à la date d'exercice.
  • que si le détenteur de l'option peut choisir d'exercer ou non son droit, son vendeur est tenu de respecter le contrat en cas d'exercice de l'option.
Pour se rendre compte du caractère très spéculatif des marchés où se négocient les options , souvent appelés marchés dérivés, imaginons l'exemple suivant: 
Au $ 1^{er}$ Otobbre 2000 ,l'action Michelin étant cotée 200F,la Société Générale émet des options d'achat sur ce support , au prix de 10F , la date d'exercice étant fixée au $ 1^{er}$ Octobre 2001 , et le prix d'exercice à 220F ; vous disposez d'une somme de 20.000F et avez toute confiance dans les perspectives de la société Michelin ; vous pouvez manifester cette confiance de 2 façons
  • soit acheter 100 actions Michelin
  • soit acheter a la Société Générale 2000 call sur Michelin
Si les dieux vous sont favorables, et que l'action gagne 20% en un an, elle cotera 240F à la date d'exercice ; dans le premier cas il ne se passe rien que de très banal : vous avez gagné 4000F ; mais dans le deuxième cas, vous pouvez acheter 2000 actions Michelin à la S.G. qui est tenue de vous les vendre au prix d'exercice (220F), puis les revendre en bourse 240F, ce qui vous procure une plus value de 40.000F ; si l'on déduit de cette somme votre dépense initiale,votre bénéfice est de 20.000F, soit 100%. 
Mais ce petit miracle a une contrepartie : si l'action Michelin, contrairement à votre attente, perd 5% au cours de l'année, elle cotera 190F à la date d'exercice ; le droit que vous avez acquis (la possibilité de l'acheter a 220F) n'a plus aucune utilité et donc aucune valeur ; il ne vous reste plus qu'à jeter votre option à la corbeille et à constater, en gardant le sourire, que vous avez perdu la totalité de votre investissement initial de 20.000F 
Le mécanisme de l'option de vente est exactement inverse : c'est un outil de spéculation à la baisse avec un risque de ruine en cas de hausse ; si vous achetez un put doté des memes caractéristiques, et si le cours de l'action support a perdu 20%, elle cote 160F à la date d'exercice ; vous achetez alors sur le marché boursier 2000 actions à 160F que vous revendez 220F à la Société Générale ; je vous laisse calculer votre bénéfice... 
Ces options ont une autre fonction ; supposons qu'un fonds de pension américain détienne 30% du capital de Michelin et s'attende à une forte baisse du cours de l'action ; il peut, bien entendu , vendre sa participation avant la catastrophe annoncée, mais, pour des raisons fiscales, ou pour ne pas perdre son droit de regard sur la gestion de l'entreprise, il préfèrera souvent recourir à une stratégie de couverture des risques (hedging) fondée sur l'achat d'options de vente. En cas d'effondrement du marché, les gains procurés par la possession de ces put, amplifiés par l'effet de levier qui vient d'être décrit, permettront de compenser la perte provoquée par la chute des cours. Plus que le goût de la spéculation prêté aux anglo-saxons, c'est vraisemblablement ce souci de sécurité qui explique le développement spectaculaire des marchés dérivés constaté au cours des 20 dernières années aux Etats Unis.

Il reste à expliquer le rôle que jouent les mathématiques dans cet univers ; une étude statistique des cours de bourse conduit tout d'abord a une estimation de la loi de probabilité qui gouverne leur évolution ; répétons qu'il ne s'agit pas ici de formuler des prédictions ; pour prendre un exemple analogue , il s'agit , après observation d'un grand nombre de jets d'une pièce de monnaie , d'établir que la probabilité de tomber sur pile est (à peu près) 1/2 ; dans ces notes , nous supposerons ce problème résolu à l'aide des techniques classiques de la statistique des processus , et nous supposerons donc cette loi connue. La tâche qui incombe alors à l'équipe de probabilistes salariés par la Société Générale est de déterminer à quel prix vendre ses options (les 10F de notre exemple); vendues trop chères, personne n'en voudra, vendues trop bon marché , elles peuvent conduire à la faillite des établissements réputés indestructibles , (toujours ce dévastateur effet de levier) . Ce dernier point n'est pas une exagération : les faillites retentissantes (Baring , LTCB,etc..) qui ont récemment semé la panique sur les marchés financiers sont presque toutes dues a des spéculations malheureuses sur les marchés dérivés .

Nous nous bornerons, pour l'essentiel , à l'étude du modèle discret de Cox, Ross et Rubinstein dans lequel on suppose que le marché financier est réduit a un actif risqué (par exemple une action) et à un actif sans risque (par exemple un carnet d'épargne à taux fixe) . On fait en outre les hypothèses simplificatrices suivantes:

  • Le temps est discret (on ne s'intéresse par exemple au cours des actifs qu'à la clôture de la bourse chaque jour a 17H)
  • l'actif risqué n'a que 2 comportements possibles : son cours est multiplié chaque jour par une quantité aléatoire qui ne peut prendre que 2 valeurs fixées (par exemple, à chaque clôture ce cours est soit multiplié par 2 soit divisé par 3) .
Nous verrons plus loin les raisons mathématiques qui conduisent à faire cette dernière hypothèse (fort éloignée du comportement réel d'une action!) 
En dépit de son caractère simpliste, l'étude de ce modèle est instructive pour plusieurs raisons ; tout d'abord les méthodes employées sont en tout point analogues à celles qui conduisent aux résultats de Black and Scholes et ceci dans un cadre élémentaire . On peut déjà y discerner le rôle fondamental joué par la théorie des martingales ainsi que les raisons d'un certain nombre de résultats assez surprenants du modèle de B. and S. , le fait que le prix d'une option dépende uniquement de la volatilité du marché et non pas de sa tendance (haussière ou baissière) par exemple.

Mais il va nous falloir faire un peu de mathématiques ; au travail!