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03/01/2010

Fractales de Markus-Lyapounov

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Il y a quelques années, la "Grande Fièvre de Mandelbrot" avait démarré après queScientific American (Pour la Science, en français) eut révélé quelques unes des magnifiques images obtenues par H.O. Peitgen et P.H. Richter, qui devaient plus tard être publiées dans The Beauty of Fractals (Springer-Verlag, 1986). L'histoire aurait-elle pu se répéter ? Le même Scientific American, en septembre 1991 (décembre 91 dans Pour La Science), dévoilait de nouvelles images extraordinaires, avec une recette apparemment simple pour les calculer. Vous en voyez une juste au-dessus ; sautez à la fin de cet article pour en voir d'autres. N'auriez-vous pas envie de vous y mettre ?

Il y a malheureusement un gros obstacle : en 1992, avec un 68030 à 25 Mhz, les images intéressantes en 640 x 512 réclamaient plusieurs heures de calcul, parfois plus d'une dizaine. Les Pentium et PowerPC de 1997 vont beaucoup plus vite, mais on veut maintenant davantage de résolution et les images qui restent à découvrir sont plus difficiles à calculer : il faut toujours des heures de calcul.

En un mot, ces images ne sont qu'une visualisation des exposants de Lyapounovrelatifs à une extension simple, due à Mario Markus, de la formule logistique... Peut-être avez-vous besoin de quelques explications complémentaires ? Alors lisez la suite. Vous allez rencontrer un peu de mathématiques contemporaines, mais ne craignez rien !

 

La formule logistique

La formule logistique (aussi appelée "dynamique de Verhultz") est la plus simple des formules qui décrive un système dynamique chaotique. Mais peut-être ne savez-vous pas ce qu'est un système dynamique ?

En toute généralité, c'est une notion très abstraite. Pensez à un "système" qui serait examiné à intervalles réguliers. A l'instant n, ce système serait décrit par une variable X(n) (on peut envisager des variables multidimensionnelles, c'est-à-dire des tableaux regroupant les divers paramètres caractérisant l'état du système, mais nous en resterons au cas élémentaire où X(n) est un nombre unique). On suppose que X(n) ne dépend que de l'état X(n-1) précédent, via une loi ad hoc. Le jeu consiste, à partir d'un état initial arbitraire, à appliquer cette loi indéfiniment et à voir comment évoluent les X(n) successifs. Convergent-ils vers une limite unique ? A défaut, ont-ils un comportement "régulier" quand n tend vers l'infini ? Ou bien font-ils n'importe quoi (apparemment), auquel cas on parle de "chaos" ?

La formule logistique est un essai rudimentaire pour modéliser une population animale dans une région isolée. La variable X(n) est ici le nombre d'animaux, en l'an n. L'année suivante, si le taux de croissance était constant, la population serait proportionnelle à X(n), soit

X(n+1) = R * X(n) ,

où R serait constant. Malheureusement, une telle hypothèse conduit à une explosion exponentielle de la population, insoutenable. Le taux de croissance doit diminuer quand la population croît, ne serait-ce que parce qu'il y a moins de nourriture disponible pour chaque individu. La façon la plus simple d'exprimer cette idée est de supposer que le terme R pour l'année n est de la forme

R = r * [1 - X(n) / Xmax] ,

où r et Xmax sont deux constantes, non spécifiées pour le moment. Xmax est clairement une limite supérieure pour la population ; aller au-delà conduirait à des X négatifs sans aucun sens. Le nombre r est appelé "facteur de fécondité" (plus il est grand, plus la croissance de la population d'une année sur l'autre sera grande). En posant x(n) = X(n)/Xmax, la loi d'évolution devient finalement

x(n+1) = r * x(n) * [1 - x(n)].

C'est la formule logistique. Les valeurs significatives de x sont entre 0 et 1.

[ image ]L'analyse de ce "système dynamique" (c-à-d. l'étude des x(n) quand n va à l'infini, pour diverses valeurs de r) peut se faire sur la figure ci-contre. Pour chaque pixel sur l'axe des r, on a appliqué la formule logistique 200 fois, à partir de x(0) = 0.5 (en fait, cette valeur n'a pas d'importance), puis encore 300 fois, mais maintenant en inscrivant chaque fois le pixel (r,x) correspondant dans la figure. On observe qu'il n'y a qu'un seul pixel pour chaque r inférieur à 3 : cela signifie que la population converge vers une limite stable.

Chaque r entre 3 et 3.45 correspond à 2 pixels : la population oscille alors entre une valeur basse, avec nourriture abondante et forte croissance, et une valeur haute qui entraine famine et mortalité élevée. Les choses se compliquent quand on augmente encore la fécondité. D'abord, on voit que la population peut osciller entre 4 valeurs, puis 8, 16, etc. Puis, pour r > 3.57, il semble qu'il y ait une infinité de valeurs (formant des zones continues dans la figure), entre lesquelles la population semble varier au hasard. C'est le chaos.

[ image ]Toutefois, le passage au chaos n'est pas définitif : on peut voir des îlots sans pixel noir, correspondant à une évolution plus régulière de la population, qui oscille à nouveau entre un petit nombre de valeurs. Vous pouvez voir ci-contre les détails d'un tel îlot de stabilité ; l'image est un agrandissement du rectangle tracé dans la figure précédente. La ressemblance entre les deux images est frappante ; cette autosimilarité est un trait commun dans les images fractales.

Les exposants de Lyapounov

Lyapounov est un mathématician russe qui vécut à cheval entre les 19ème et 20ème siècles, bien avant l'invention des calculateurs. Voici son rôle dans notre histoire.

Comme nous l'avons dit, la population modélisée par la formule logistique converge vers une valeur unique pour une fécondité assez basse (r < 3). Cette limite ne dépend pas de la valeur initiale. Si on modifie brutalement la population à un instant donné, on revient rapidement à cette limite. On observe le même comportement pour les oscillations entre plusieurs valeurs : les 2, 4, 8... valeurs formant le cycle limite ne dépendent pas de la valeur initiale et on revient toujours à ce cycle après une perturbation. Toutefois, ce retour au cycle limite est d'autant plus lent qu'on est plus proche du chaos. On parle de "stabilité", d'autant plus grande que le retour est plus rapide. Cette stabilité peut être caractérisée par un nombre, l'exposant de Lyapounov, qui est en gros l'opposé de la stabilité (l'exposant est négatif pour les évolutions stables, positif pour les régimes chaotiques).

La théorie des exposants de Lyapounov est difficile ; on en trouvera quelques mots dans Chaos et déterminisme, ouvrage collectif dirigé par A.D. Dalmenico et alias, aux Editions du Seuil, 1992. L'article dans Pour la Science ne donne que la recette (dans le cas de la formule logistique), à prendre comme une formule magique :

 

(1) Initialisation
x = x0 
Pour i=1 à INIT : x = rx(1-x)
(2) Calcul de de l'exposant
total = 0 
Pour i=1 à NLYAP : 
x = rx(1-x) 
total = total + Log|r-2rx|/Log 2 
exposant = total / NLYAP

x0 est arbitraire entre 0 and 1 ; INIT et NLYAP sont des entiers arbitraires, qui doivent être aussi grands que possibles pour que le calcul soit précis.

L'idée de Markus

Mario Markus (du Max Plank Institute for Nutrition) a imaginé des systèmes à peine plus complexes que la formule logistique, où la fécondité alternerait entre deux valeurs r1 et r2, selon une loi périodique, décrite par une chaîne de caractères faite de "1" et de "2", appelée racine. Par exemple, pour la racine "112", r prendrait successivement les valeurs r1,r1,r2, r1,r1,r2, r1,r1,r2, etc.... Selon les valeurs de r1 et r2, ces systèmes peuvent conduire à des cycles réguliers ou à des évolutions chaotiques. La stabilité ou le chaos peuvent s'étudier en calculant l'exposant de Lyapounov, via la recette donnée plus haut, avec la seule différence que r doit maintenant suivre la loi périodique prescrite.

[ image ]Les images de Markus ne sont qu'une visualisation en "fausses couleurs" de l'exposant de Lyapounov avec r1 et r2 sur les axes horizontaux et verticaux, pour une racine donnée, ici "1122".

On ne s'intéresse qu'au domaine stable ; le chaos (exposants positifs) est ici rendu en bleu sombre. Quand l'exposant passe de 0 à moins l'infini, la teinte passe du clair au sombre. Au zéro (le seuil du chaos), on passe soudain du bleu sombre à une teinte claire. Bien entendu, on peut changer ces conventions de coloriage comme on veut. 

On obtient ainsi des formes étranges qui flottent dans un univers fantastique, avec un aspect 3-D frappant. Bien sûr, il faut voir ces images en plein écran pour leur rendre justice.

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Le reste du jeu est le même que dans les programmes Mandelbrot classiques : on part d'une image de base, on cherche les détails prometteurs et on agrandit. Par exemple, le grand rectangle dans l'image ci-dessus mène à l'image ci-contre ; le petit rectangle conduit à l'image au début de cet article. 
Cliquez ici pour suivre un exemple de recherche dans le cas d'une racine assez complexe. 

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Cette dernière image a été réutilisée par l'auteur dans la composition "Image 11". Elle a été calculée avec la racine 11212, INIT=400 et ITER=800. La récompense d'un long calcul... 

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e-mail Charles.Rosemarie.Vassallo@wanadoo.fr
Source : http://pagesperso-orange.fr/charles.vassallo/fr/lyap_art/...